La Taxe Professionnelle (TP en abrégé) a été créée en 1975, Chirac étant 1er Ministre de Giscard. Elle se substituait à la patente, tant décriée par les petits commerçants et artisans.
Le principe initial était de soumettre à imposition la valeur locative des biens utilisés par les entreprises, qu’ils soient en propriété ou en location, ainsi que les salaires payés par ces mêmes entreprises. Même si le mot n’était pas employé, un ersatz de valeur ajoutée servait de base : d’un côté le capital utilisé, de l’autre le travail. Pour les professions libérales, la base était (et est toujours) un pourcentage des recettes TVA comprise. D’emblée, les paysans en ont été exemptés (ce qui n’est pas sans poser problème dans les communes à forte activité agricole), et les artisans bénéficiaient d’un abattement de 25 % à 75 %.
Si les bases d’imposition étaient de la « compétence » des entreprises, les taux d’imposition relevaient des collectivités locales. Or, la décentralisation a eu pour effet direct (volonté de ces collectivités) et indirect (transfert de compétences non entièrement compensés par l’Etat) de pousser les taux à la hausse ce qui a amené l’Etat à lier les hausses de la TP à celles des 3 autres impôts locaux pesant surtout sur les ménages (Taxe d’Habitation et les 2 Taxes Foncières).
Depuis sa création, la TP a fait l’objet de récriminations de la part des entreprises, qui, comme tout contribuable, veulent payer le moins d’impôt possible….tout en souhaitant toucher le plus de subventions…mais ceci est une autre histoire. Face à ces réclamations régulières, l’Etat a institué voici de nombreuses années un plafonnement de la TP en fonction de la Valeur Ajoutée (VA) de l’entreprise : si la TP dépassait 3,5 % de la VA , l’entreprise bénéficiait d’un dégrèvement, compensé par l’Etat aux collectivités ainsi privées d’une partie de leurs ressources. Divers autres aménagements ont été institués pour décaler l’incidence des investissements.
Puis, et sans que le patronat ne l’ait demandé explicitement, voici 10 années, Strauss Kahn (ministre des finances de Jospin) décide de supprimer la part des salaires du calcul de la TP : il ne restait plus au patronat qu’à demander la suppression la part des investissements…au motif que la TP était un frein aux investissements en France. Cet argument est purement fallacieux….quand on sait que la France est le 2nd pays (après le Royaume Uni) pour les investissements étrangers en Europe : le choix d’investir dépend plus de la qualité de la formation de la main d’œuvre, des infrastructures disponibles (train, route, avion, téléphonie) et de l’accueil de l’environnement, plus que de l’imposition, toutes les études, y compris patronales, le démontrent.
Le chiffrage de la TP en 2009
Elle serait de l’ordre de 28 à 30 milliards (Md€) dont 12 milliards sont supportés par l’Etat….pour compenser les avantages (dégrèvements, plafonnements) consentis aux entreprises. Sa suppression totale aurait donc un coût brut supplémentaire de 18 Md€. Mais il semble que 7 Md€ resteraient néanmoins à charge des entreprises.
La suppression de la TP est d’abord un scandale fiscal car il n’est pas normal que les ménages deviennent les seuls financeurs directs des collectivités locales.
Par ailleurs, la suppression de la TP risque de mettre en péril l’autonomie politique de ces mêmes collectivités car la disparition de cet impôt sera (dans quelle proportion) probablement compensé par une dotation d’Etat : or, qui tient le cordon de la bourse est le vrai décideur.
La TP pouvait être améliorée en prenant pour base la VA, y compris pour les professions libérales. Il aurait été normal en outre de soumettre les entreprises agricoles à cette même TP. C’est sur ce terrain que doivent se mobiliser les partisans d’une fiscalité juste.
Certains citoyens se demandent pourquoi il ne serait pas souhaitable de n’avoir qu’un seul impôt, sur les bénéfices par exemple. Cette interrogation est normale, mais retenir cette option poserait de redoutables problèmes : en 2009, la grande majorité des entreprises va être en perte, la grande majorité des travailleurs va subir des baisses de revenu…Faudrait-il supprimer tout impôt…mais alors qui paierait les services publics ? Avoir plusieurs sources de revenus est une nécessité pour l’Etat et les collectivités locales afin de ne pas subir trop brutalement les contrecoups économiques : d’où l’existence d’impôts sur les revenus des contribuables, sur la consommation et sur le capital. L’important ce sont les choix politiques desquels doivent découler les critères pris en compte pour taxer ces différents éléments.
La Taxe sur les Salaires
Enfin, le débat sur la TP ne doit pas masquer l’existence d’un impôt réellement inique, supporté essentiellement par le secteur non marchand… Il s’agit de la Taxe sur les Salaires, instituée en 1968 au moment de la généralisation de la TVA. Elle est calculée sur les salaires et comporte 3 tranches de 4,25 %, 8,50 % et 13,60 %…Quand un salarié est augmenté, sa charge pour son employeur croît de façon exponentielle ! Au titre de cette taxe, ce sont plus de 10 milliards d’€uros qui sont versés à l’Etat en 2008 dont environ 5 milliards provenant indirectement de la Sécurité Sociale (via les hôpitaux, les cliniques et les associations du secteur médico social) qui finance donc l’Etat. Jamais cette taxe n’est dans le débat public : cherchez l’erreur…Il serait pourtant temps que syndicats de salariés, gestionnaires d’établissements et citoyens se mobilisent car elle est en grande partie la cause du déficit ou des difficultés de financement du médico social en France.